Ordo Fratrum Minorum Capuccinorum IT

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updated 11:54 AM UTC, Mar 20, 2024

Notre vie capucine

Les réseaux sociaux sont des espaces ou des structures créés sur internet pour faciliter les échanges sur la base de valeurs ou d'intérêts communs. Grâce à eux, des liens individuels ou collectifs se tissent rapidement, indépendamment des hiérarchies sociales ou des barrières physico-temporelles. Les réseaux sociaux offrent aux personnes d’une part, la possibilité d’être connectées en continu, en s’affranchissant des limites de l’espace et du temps, et aux entreprises et aux organisations d’autre part, de lancer des campagnes publicitaires et des réunions en ligne. Qui aurait imaginé l’impact des réseaux sociaux dans notre vie aujourd'hui. Le désir de communiquer avec d’autres partout à travers le monde a créé chez les personnes et les entreprises l’habitude de recourir aux réseaux sociaux.

Si les réseaux sociaux permettent des échanges quasi instantanés, il nous faut aussi relever le défi d’apprendre à les maîtriser. L'Église et l'Ordre sont ouverts à l'utilisation des réseaux sociaux tout en sachant que cela pose des défis majeurs à notre mode de vie. Il est important d’être ouvert à ce monde nouveau (nouveau continent) sans perdre de vue pour autant notre mission et notre identité. Nos Constitutions nous donnent des directives importantes concernant l’usage des nouvelles technologies y compris les réseaux sociaux :

« Les moyens de communication sociale contribuent au développement de la personne et à l'extension du Royaume de Dieu. Les choisir et s’en servir demandent maturité de jugement, modération, refus de ce qui est opposé à la foi, la morale et la vie consacrée » (Const 96.1).

L'Église et l'Ordre nous invitent à entrer dans cette mutation du monde numérique de manière responsable et avec discernement, en gardant comme critère l’annonce de la Parole de Dieu en vue d’un bon usage évangélisateur.

Toutefois, nous devons garder en mémoire les défis que représentent l'entrée et la présence dans le numérique. Je voudrais aborder deux défis concrets et omniprésents qui revêtent une grande importance pour moi.

Les défis des médias sociaux

Défi de l’identité - liberté : nous savons que les réseaux sociaux offrent un champ d’action et une liberté d’expression plus large que dans la vie réelle. Ainsi, il est possible de s’exprimer ou de se présenter en suivant tous ses désirs parfois même au détriment de la vérité et sans se préoccuper de la réaction des autres. Les réseaux sociaux sont très peu régulés, si ce n'est les politiques de confidentialité mises en place par les acteurs des réseaux sociaux. Ces critères de confidentialité s’appuient seulement sur les règlementations locales en matière de communication ou sur de simples requêtes commerciales. Aujourd'hui encore, le concept de liberté dans les réseaux sociaux fait toujours débat. Par exemple en mai 2022, un jeune homme de la ville de Buffalo a pu diffuser en direct le meurtre de 10 personnes dans un supermarché.

Au sein des réseaux sociaux, il est donc possible de contourner les lois qui régissent la vie sociale. En raison d’une conception abusive de la liberté, le « changement d’identité » sur les réseaux sociaux est devenue monnaie courante. Falsifier son identité a de graves conséquences pour son auteur et ses tiers.

Les risques majeurs d'un mauvais usage des réseaux sociaux sont : la dépendance, l'accès à des contenus néfastes, le harcèlement ou l’absence de vie privée. On peut par Internet accéder à des contenus pornographiques ou violents, transmettre des messages à caractère raciste, inciter à l'anorexie, au suicide ou à la délinquance (courses de voitures interdites). « Il y a aussi le risque de se créer une fausse identité, basée sur le mensonge ou une imagination fantaisiste. C’est souvent le cas chez l’adolescent qui se cherche et qui est souvent connecté. Il y a donc confusion entre la vie intime, la vie privée et publique. (Cf. Becoña, E. (2006). La dépendance aux nouvelles technologies. Vigo : Nova Galicia, Editions.)

« Infobésité »

Ces dernières années, une théorie anthropologique s'est développée suite à la surinformation à laquelle nous sommes exposés chaque jour dans cette culture fortement imprégnée par le numérique. C'est « l’infobésité » ou surinformation. Ce phénomène se produit généralement lorsque la quantité ou l'intensité des informations excède la limite de notre capacité cognitive à traiter et analyser ces informations. On rencontre fréquemment ce type de situation dans les réseaux sociaux où foisonnent une surenchère d'informations visuelles, écrites, auditives, d’échanges de nouvelles à des milliers de kilomètres, des critiques négatives (« haters ») ou des rumeurs ou de la désinformation (« fake news »).

Cette sur-sollicitation cognitive liée à l’absorption d’une quantité d’informations (souvent inutiles, incorrectes ou incomplètes) provoque chez l’homme outre cette désinformation, des réactions d'anxiété et d'isolement. Ce phénomène devient quasiment une norme de la communication moderne conduisant à une surexposition de soi jusqu’à violer la liberté, l’intimité et sa propre identité.

Comment occuper ces nouveaux espaces numériques en tant que Capucins ?

Vie privée : Tout d'abord, il est important d’approfondir une des caractéristiques constantes des réseaux sociaux à savoir le « profil personnalisé ». Les « profils » sur les réseaux sociaux sont personnels et nous pouvons en faire ce que nous voulons. Sachant cela, nous devons être clairs et nous rappeler que nous appartenons d’abord à une institution et que nous avons pour mission de montrer au monde un style de vie et un charisme. C'est pourquoi notre manière d’être présent à ce monde doit être celle de frères mineurs, puisque notre objectif en occupant ces espaces numériques est l'évangélisation et le témoignage de notre vie. Nous éviterons ainsi, dans de nombreux cas, d’utiliser les réseaux sociaux comme un moyen de fuite mais plutôt comme un moyen de rencontre.

Comment sommes-nous présents : Notre style de vie consiste à vivre le saint Evangile en toutes circonstances, y compris dans ces nouveaux espaces numériques qui, aujourd'hui plus que jamais, ont besoin d’une présence évangélique. Notre présence dans ces espaces a pour objectif de montrer notre manière de vivre à travers le témoignage et la fraternité. 

Ainsi, nous devons occuper les réseaux sociaux, en cherchant toujours à établir des relations transparentes qui manifestent la fraternité évangélique, montrant au monde notre façon d'être mineurs, hommes de paix, à travers nos publications, nos paroles et nos actions.

Fraternité : Être frère est au cœur de notre mode de vie. C’est pourquoi nos fraternités jouent un rôle majeur dans la manière dont nous gérons nos espaces sur les réseaux sociaux. Ainsi nous devons écouter, quand cela est nécessaire, les conseils et les avis de nos frères sur la manière dont nous gérons ces espaces numériques.

Une nouvelle proposition : un cloître virtuel

Compte tenu de la dimension intime et contemplative de notre vie, nous devons limiter nos publications et notre présence sur les différents réseaux sociaux. Bien que libres dans nos publications, il est bon d’en garder la maîtrise et de respecter certains espaces de discrétion dans nos relations fraternelles. Pour rappel, notre objectif est de témoigner du Royaume et de prendre soin des plus petits. Dans notre vie courante, nous devons toujours respecter ces cloîtres virtuels que sont nos jardins secrets et espaces d’intimité.

Fr. Francisco Javier Castillo Ramírez