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fr. Mauro Jöhri OFMCap

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Frère Mauro Jöhri

Chapitre Premier des Constitutions

La vie des frères Mineurs Capucins

Le premier chapitre de nos Constitutions de frères mineurs capucins reprend le premier chapitre de la Règle de 1223 approuvée par le pape Honorius III. Cela signifie qu’il jette pour ainsi dire les bases de tout ce qui suivra. En fait, en déclarant que la Règle et la Vie des frères mineurs est d’observer le saint Évangile de notre Seigneur Jésus-Christ, en vivant dans l’obéissance, sans rien en propre et dans la chasteté, il annonce quel est le fondement sur lequel construire notre vie de frères capucins. Les chapitres suivants ne sont rien d'autre qu'une application concrète de cette affirmation initiale, à savoir observer le Saint Évangile de notre Seigneur Jésus-Christ.

Juste après l’affirmation de vouloir faire de l’Évangile son mode de vie, saint François promet obéissance et respect au Pape. « La confirmation par l’Église que la voie suivie par François et ses disciples est conforme à l’Évangile signifie et garantit que dans leur vie aussi, comme dans celle de l’Église, l’évangile est vivant. Seule l’Église peut donner cette garantie »[1].

À partir de ces deux premiers paragraphes de la Règle, le premier chapitre de nos Constitutions a été divisé en deux articles :

  • Article I : Notre vie selon l’Évangile
  • Article II : Notre vie dans l’Église.

En ce sens, le premier chapitre des Constitutions pose les bases et annonce quelles sont les orientations de fond de la vie des frères mineurs capucins, notre charisme. Il convient de noter que nous nous situons dans le texte de nos Constitutions tel qu’il a été reformulé à la suite du Concile Vatican II, en 1968. Plusieurs réécritures ont suivi, - la plus récente est de 2012 -, mais ces dernières restent fondamentalement redevables au tournant qui s’est produit en 1968 et ce fut un tournant non négligeable. De fait, jusqu’à cette date, bien que les Constitutions aient été mises à jour à plusieurs reprises auparavant, elles restaient profondément et essentiellement redevables à celles formulées lors de l’antique Chapitre de l’Ordre tenu au couvent de Sainte Euphémie à Rome en 1536. Alors que l’accent de ces premières Constitutions portait nettement sur l’aspect pénitentiel et sur l’observance régulière, celles de 1968 déplacèrent l’ensemble de la perspective en portant l’attention sur la vie en fraternité et la dimension minoritique. Il sera important de comprendre la relation, entre continuité et discontinuité, de ces deux approches de notre projet de vie. Parmi les raisons qui ont influencé ce changement, je pense que devons non seulement mentionner le Concile Vatican II, mais aussi prendre en compte les évolutions qui ont eu lieu au sein de notre Ordre, en particulier à partir du généralat du Père Bernard Christen d’Andermatt (1884-1908), avec la pratique, qu’il a introduite, d’assigner un territoire de mission à chaque province. Mais nous y reviendrons plus tard.

Article I

Notre vie selon l’Évangile

L’affirmation primordiale et essentielle de Saint François demeure celle-ci : la Règle et la Vie des Frères mineurs est celle-ci : observer le saint Évangile de notre Seigneur Jésus-Christ, vivant dans l’obéissance, sans rien en propre et dans la chasteté. À propos de cette déclaration centrale, il est possible et nécessaire de nous poser quelques questions :

  • Que signifie le binôme selon lequel l’Évangile est règle et vie ?
  • Quel est exactement le sens attribué à “Évangile ?
  • Pourquoi le choix du verbe “observer et quelles conséquences ce choix a-t-il eu dans la vie de l’Ordre ?

Mais avant de commencer à aborder ces questions, il reste fondamental de nous rappeler ce que François lui-même dit dans son Testament : et après que le Seigneur m’eût donné des frères, personne ne me montrait ce que je devais faire, mais le Très-Haut lui-même me révéla que je devais vivre selon la forme du saint évangile[2]. Il y a chez François la conscience d’avoir reçu un don d’en-haut et, en même temps, la conscience de la dimension contraignante de celui-ci.

Le binôme Règle et vie indique certainement d’abord la référence à la source contenant les préceptes selon lesquels orienter sa vie (règle) mais aussi la nécessité que ce que l’on essaie d’appliquer ne se limite pas à une suite d’actes posés de manière volontariste, mais imprègne toute l’existence du frère, au point de devenir un état de fait, une caractéristique avérée de son itinéraire quotidien.

Par Évangile, nous pouvons comprendre au sens large la bonne nouvelle du Royaume de Dieu qui s’est rendu proche, celle d’un Dieu qui porte un regard plein de miséricorde sur ses créatures, mais aussi les maximes (enseignements) prononcées par Jésus et contenues dans les quatre évangiles, appliquées à la vie de ceux qui ont l’intention de le suivre de plus près. En portant nos regards sur le premier chapitre de la Règle de 1221, nous trouvons précisément trois préceptes essentiels pour ceux qui veulent vivre selon la forme du saint Évangile :

  • Si tu veux être parfait, va, vends tout ce que tu as et donne-le aux pauvres, et tu auras un trésor dans le ciel ; puis viens, et suis-moi (Mc 18,22 ; Mt 19,21).
  • Si quelqu’un veut venir derrière moi, qu’il renonce à lui-même, et prenne sa croix et me suive (Mt 16,24).
  • Si quelqu’un veut venir à moi et ne hait pas père et mère et épouse, et fils et frères et sœurs et jusqu’à même son âme, il ne peut pas être mon disciple (Lc 14,26)[3].

Tout cela signifie que le vrai frère mineur est appelé à se débarrasser de ses biens terrestres afin d’orienter sa vie vers le monde à venir. C'est le choix radical de vivre sans rien en propre, dans une pauvreté capable de rendre l’homme pleinement libre, pourvu qu’il le vive avec joie, car alors il sera libre de l’avidité et de l’avarice[4]. Par ailleurs, le détachement des biens matériels, pour être complet, nécessite aussi une remise en question de sa propre personne (abnégation), un travail intense sur soi. Troisièmement, le choix de vivre selon le saint Évangile nécessite une remise en cause radicale de ses propres affections et la révision conséquente des liens à sa famille et à soi-même[5].

Dans le premier chapitre de la Deuxième Règle à côté du verbe observer, nous trouvons également le verbe obéir et le substantif obéissance. Nous pourrions être amenés à penser que le Père Séraphique veut surtout mettre l’accent sur le moment de l’application ou de l’adhésion extérieure aux préceptes évangéliques, mais, si nous gardons à l’esprit qu’il vient de parler un peu plus tôt de Règle et Vie, nous comprenons qu’il nous demande de passer de l’observance extérieure à la configuration toujours plus intime à la vie même du Christ. Ainsi, la vie des frères peut être considérée comme une vie en obéissance, où l’accueil du précepte qui nous est donné par le Seigneur conduit à la réalisation d’une relation d’intimité et d’identification avec Lui, afin que le Seigneur devienne la vie de notre vie[6].

Maintenant, il est intéressant de voir comment nous nous référons à l’Évangile dans le premier chapitre de nos Constitutions. On y parle de la nécessité de progresser de plus en plus dans l’intelligence de l’Évangile (1,4) ; de la fidélité à l’Évangile (5,2 ; 6,3), de la liberté évangélique (7,5), de l’expérience évangélique (8,2), de notre appel à suivre l’Évangile (15,1). La raison de tout cela tient en ce que la Règle prend sa source dans l’Évangile (7,1), que l’Évangile représente notre règle suprême (1,5), qu’il contient les enseignements du Christ (10,2) et les conseils évangéliques (2,3). Le tout passant par la médiation du Père séraphique Saint François, qui embrassa une vie selon l’Évangile (3,1), une vie selon la forme du Saint Evangile (4,1) et à propos de qui on peut parler d’intuitions évangéliques (5,1). D’où la nécessité d’annoncer l’Évangile (5,5), de tenir compte des intentions évangéliques des premiers capucins (7,2), en réalisant que la vie fraternelle représente un levain évangélique (13,4).

N. 1

Nos Constitutions commencent par affirmer que le saint Évangile de notre Seigneur Jésus-Christ est, à tout moment, la source de toute la vie de l’Église. Arrêtons-nous à l’image de la source ! Elle évoque l’image de la fraîcheur, du don et de la gratuité. Une source est recherchée et fréquentée. Nous joindrons ensuite les paumes de nos mains pour recueillir l’eau fraîche et la porter à nos lèvres. Jésus lui-même est cette eau vive et les évangiles sont comme le sentier qui nous mène à lui, le chemin qui nous permet de le rejoindre, de le connaître et de jouir de sa présence.

Il est important d’en recueillir les différentes nuances car nous parlons de l’Évangile de Notre Seigneur Jésus-Christ et cela signifie son message, la révélation du Père qui tourne avec amour son regard vers ses créatures. En même temps, nous ne pouvons pas oublier que Jésus lui-même est l’Évangile, en tant qu’il est lui-même le don fait par le Père à l’humanité, pour qu’en connaissant le Fils, nous connaissions le Père. L’Évangile, ce sont aussi les quatre Évangiles qui témoignent du cheminement terrestre du Fils unique du Père fait homme et rapportent ses enseignements. Concrètement, « il s’agit de suivre Jésus-Christ, ses paroles, son enseignement, son exemple, sa volonté, ses traces, son humilité et sa pauvreté »[7]

Saint François a fait de l’Évangile la raison de sa vie et de son action. Pour lui, observer l’Évangile, c’est vivre en harmonie avec celui-ci, en l’écoutant attentivement. Et quand il invitera ses frères et tous les fidèles à vivre la pauvreté, il le fera parce qu’il voit comment elle a été vécue par notre très-haut Seigneur Jésus-Christ et par sa très sainte Mère[8].

Le premier numéro des Constitutions nous invite encore à nous placer sous la direction de l’Esprit Saint, car il est le seul guide capable de nous introduire à la pleine connaissance de la profondeur du mystère du Christ. En référence à ce qui est rapporté dans les Évangiles de l’enfance de Luc, la Vierge Marie nous est montrée comme l’exemple à imiter dans l’approfondissement et la méditation assidue de l’Évangile. En laissant notre vie être façonnée par l’Évangile, nous croîtrons en tout vers le Christ.

N. 2

Dans ce deuxième numéro, la référence est avant tout à saint François, qui nous a appris à suivre les traces du Christ dans la joie, traces qui se caractérisent par sa pauvreté, son humilité et sa mort en croix. Le but ultime de ce chemin, la fin à rejoindre, c’est le Père par le Saint-Esprit.

Le deuxième paragraphe du numéro reprend un thème très cher à la spiritualité franciscaine, celui de la conformité au Christ, et affirme que le lieu par excellence de cette transformation nous est donné dans la célébration de l’Eucharistie. Grâce à elle, nous prenons part au mystère pascal. Le thème de l'Eucharistie sera repris plus tard dans le texte des Constitutions lorsqu’il s’agira de souligner l’importance et la nécessité de sa célébration quotidienne au sein de chaque fraternité. Le fait qu’il soit mentionné déjà au deuxième numéro signifie que nous sommes devant un aspect absolument central de notre vie. Pour vivre et être introduits dans le mystère du Christ, nous sommes appelés à vivre les conseils évangéliques avec un cœur généreux et fidèle : obéissance, pauvreté et chasteté. Nous en serons capables seulement si nous nous laissons d’abord et en permanence rejoindre par le don que le Christ a fait de lui-même jusqu’à la mort de la croix et qu’il continue à rendre présent dans la célébration du sacrifice eucharistique.

N. 3

Le troisième numéro nous rappelle, dans la fidélité au Testament, que le début de la nouvelle vie de François, sa démarche de pénitence, a commencé à partir du moment où il s’est mis à servir les lépreux. Ensuite vient la référence à la rencontre avec le crucifix de San Damiano. La fidélité à ce que François rapporte dans le Testament représente la source à laquelle il faut nous tenir pour comprendre les choix qu’il a faits, en nous mettant en garde contre toute sorte de mystification. Le changement radical de vie du jeune François s’est produit grâce à la rencontre avec les lépreux, rencontre qu’il attribue à l’intervention du Seigneur lui-même[9]. De là provient la transformation de celui qui aime en image de celui qu’il aime. François nous a donné l’exemple de sa vie qui reste le rappel de ce que nous sommes appelés à vivre jour après jour. Le fait que nos Constitutions parlent d’abord de la rencontre avec le lépreux et seulement ensuite de celle avec le crucifix de Saint-Damien représente une indication très précieuse pour chaque itinéraire de formation mais aussi de vie franciscaine capucine : il ne peut y avoir de fréquentation du Christ dans la prière qui ne soit accompagnée de la présence au lépreux dans une attitude de service[10].

N. 4

L’énoncé de ce numéro est représentatif de l’approche globale donnée à nos Constitutions depuis leur réécriture d’après le Concile Vatican II. En effet, la centralité de la fraternité et de la minorité pour notre vie va être annoncée en deux paragraphes distincts. Le premier paragraphe rappelle comment saint François attribue la vie en fraternité à une révélation divine. La fraternité non pas dans le sens de quelque chose d’abstrait, mais dans le concret de frères appelés à réaliser une communion de vie. Telle est la prémisse indispensable qui ne doit jamais faire défaut pour qu’il y ait témoignage authentique du Royaume de Dieu et prédication de la paix et de la pénitence.

Le deuxième paragraphe s’empresse de placer la minorité à côté de la fraternité et affirme que ce sont deux des aspects originaux du charisme que l’Esprit nous donne. Les dimensions contemplative et apostolique de notre vie doivent l’une et l’autre, être toujours et immanquablement soutenues et marquées par les deux aspects mentionnés ci-dessus, à savoir la fraternité et la minorité. Ils sont l’indice de ce qui ne peut et ne doit jamais manquer, sous peine de trahison de notre charisme. L'engagement à vivre la vie fraternelle en mineurs correspond à la réalisation de l’idéal évangélique.

Excursus : Comment en sommes-nous venus à proposer la vie fraternelle comme élément central de notre charisme ?

Il convient de rappeler et de souligner ici la portée toute particulière de ce numéro des Constitutions, car il oriente de manière nouvelle et même assez surprenante toute l’organisation du texte constitutionnel et par conséquent celle de notre charisme de frères mineurs capucins. Certes, les références à la vie de pénitence et de pauvreté ne manqueront pas, mais pour le moment il est clair que l’une et l’autre doivent toujours prendre en compte à la fois l’aspect fraternel et l’aspect minoritique. Par exemple, une pratique pénitentielle qui s’éloigne de la vie de fraternité ou s’y oppose n’a pas de sens. Il convient de rappeler ici que nous sommes devant un réel changement dans l’organisation de notre vie et qu’il s’agit d’un aspect très exigeant.

En effet, « la vie fraternelle vécue avec intensité et fidélité est encore plus exigeante que le choix de la pauvreté elle-même. Je m’explique : si la pauvreté consiste principalement à retirer autant de choses que possible à la vie et à réduire mes et nos exigences à l’essentiel, la vie en fraternité exige une dynamique continue de donation, qui nous engage à rendre plus authentique la qualité des relations qui accompagnent notre vie quotidienne. Parfois, il s’agit de savoir pardonner et de savoir le faire toujours de nouveau, d’autres fois il convient de faire un pas en arrière pour faire de la place à l’autre, pour que ses dons puissent s’épanouir et porter du fruit. La vie fraternelle, suscitée par l’Esprit-Saint, grandit si la qualité de nos relations a la saveur de l’accueil, du pardon, de la miséricorde et de la charité que le Seigneur Jésus nous a présentée comme Béatitude pour notre existence »[11].

À partir de ce choix, notre Ordre a ressenti le besoin d’approfondir le sujet et d’étudier ses multiples applications dans les différents domaines de l’économie, de la minorité et du travail. La prise de conscience de la centralité de la vie fraternelle a été reprise dans plusieurs Conseils Pléniers de l’Ordre au cours des dernières décennies. Rappelons en particulier le VIème CPO : Vivre la pauvreté en fraternité (1998), le VIIème : Notre vie fraternelle en minorité (2004) ; le VIIIème : La grâce de travailler (2015). Cela montre à quel point le tournant mûri pendant les années de Vatican II a marqué le chemin de notre Ordre.

Dans la vie selon notre identité fraternelle et minoritique, nous reconnaissons la base de tout notre apostolat et la première forme de mission évangélique pour un témoignage efficace de communion totale, dans la diversité des charismes et des ministères vécus dans nos fraternités. Tous les frères doivent être décidés à vivre la primauté de la vie fraternelle en minorité comme première forme de notre apostolat[12].

Pourquoi et comment ce tournant s’est-il produit ? Je pense que les raisons sont nombreuses et qu’il n’est pas nécessaire ici de les mentionner toutes. Il faut commencer en disant que les différentes formes de type pénitentiel (discipline, cilice, coulpe) n’étaient désormais pratiquées que par les novices, sans plus en saisir l’esprit. L’observance régulière elle-même qui, pendant des siècles, avait scandé le rythme de la vie des frères, était tombée dans un formalisme privé de contenu. Pour le dire dans une formule simple et directe : on percevait la nécessité de passer de ce qu’on appelait la vie commune à la communion de vie. Derrière ce qui pourrait paraître un simple jeu de mots, se cache en fait le désir de passer d’un vivre ensemble marqué par un certain formalisme, - où ce qui comptait était en premier lieu le fait de poser simultanément et au bon moment les actes prescrits par les Constitutions et par les coutumes de chaque province -, à un type de vie basé sur des relations moins formelles, réservant plus d’espace pour de nouveaux choix de vie et correspondant davantage au vécu des gens ordinaires.

Sans aucun doute aussi, c’est à partir du moment, où notre Ordre s’est développé numériquement surtout dans l’hémisphère sud de la planète, et cela suite à la présence et au travail des missionnaires capucins, que nous avons ce qui a indubitablement contribué à produire ce changement d’orientation En effet, les frères partis en mission ont d’abord ressenti l’urgence de faire face aux besoins d’évangélisation et de création de services répondant aux besoins les plus urgents des populations confiées à leurs soins : écoles, dispensaires, centres sociaux, etc. Ils ont dans un premier temps, essayé de répondre à la fois aux exigences de l’observance régulière et aux nouveaux besoins rencontrés sur place, mais en l’espace de quelques décennies, les urgences de la mission ont prévalu. En privilégiant la création de l’Église locale et en voulant la doter de structures qui lui conviennent, les églises n’ont plus été construites sur le modèle de celles envisagées par notre tradition, et au lieu des couvents construits autour du quadrilatère central du cloître, la préférence a été donnée à des structures de type fonctionnel et adaptées au lieu. La pratique de la mendicité comme source de subsistance est également tombée et il était nécessaire d’avoir de grandes parcelles de terre pour cultiver de quoi vivre. Aujourd’hui, plus de la moitié des frères de notre Ordre n’ont jamais vécu dans un couvent traditionnel avec un chœur situé derrière l’autel principal ou à la tribune comme dans le sud de l’Italie, et les autres espaces typiques de nos lieux. C’est un fait à prendre en compte. Qu’on le veuille ou non, à partir du moment où avec le généralat du Père Bernard Christen d’Andermatt, chaque province s’est vu confier son propre territoire de mission et y a progressivement évolué afin d’y établir l’Ordre, le visage de notre Ordre a changé. Nous pouvons dire tranquillement qu’il est devenu plus riche et plus bigarré. Je crois que nos Constitutions depuis Vatican II en ont tenu compte, en mettant l’accent en premier lieu sur la fraternité et la minorité, sans pour autant nier la dimension pénitentielle de notre vie.

Certains choix, et je pense par exemple à l’abandon de la pratique des trois carêmes, montrent que nous n’avons pas seulement jeté l’eau du bain, mais qu’avec elle, nous avons aussi jeté l’enfant ! Nos Constitutions ne manquent pas, et nous le verrons au fur et à mesure de notre lecture, d’allusions à la vie austère et pénitentielle, mais elles se gardent bien d’entrer dans le concret. Cela est certainement dû à la prise de conscience que nous nous trouvons devant une pluralité de cultures, qui doivent être prises en compte et intégrées dans notre mode de vie, et qu’il devient extrêmement difficile de donner des indications concrètes. Tout cela se présente comme une richesse, mais représente en même temps, un défi important du point de vue de l’unique fraternité à laquelle nous appartenons tous. Comment la promouvoir ? Quels sont les éléments concrets et visibles aussi, qui nous caractérisent partout ? En ce sens, j’ai mentionné ci-dessus la difficile relation entre continuité et discontinuité des Constitutions d’avant et d’après Vatican II. Il n’est pas surprenant que, dans les années qui ont immédiatement suivi le Concile, il y ait eu plusieurs groupes de frères qui se sont détachés de l’Ordre pour continuer à vivre comme les Capucins du passé.

Le deuxième aspect central de notre vie est celui de la minorité. Nous savons que c’est François lui-même qui a voulu que ses frères soient appelés frères mineurs et qu’en cela, il a voulu choisir un positionnement, qui conduisait ses frères à être soumis à chaque créature humaine pour l’amour de Dieu[13]. La minorité est avant tout une attitude et se traduit concrètement dans l’application de l’invitation adressée aux frères : « et ils doivent se réjouir quand ils vivent parmi des personnes viles et méprisées, parmi des pauvres et des infirmes et des malades et des lépreux et parmi des mendiants le long du chemin »[14]. Minorité qui nous amène à chercher la dernière place et qui devrait nous protéger du mal du cléricalisme[15] ! Cependant, le fondement ultime de la minorité se trouve dans le choix fait par le Fils éternel de Dieu, qui, « ayant la condition de Dieu, ne retint pas jalousement ce qui l’égalait à Dieu, mais il s’est anéantit, prenant la condition de serviteur, devenant semblable aux hommes »[16].

N. 5

Ce numéro contient cinq paragraphes différents et touche à des sujets eux aussi très différents. De fait, il commence par une invitation à découvrir notre histoire et le projet de vie promu par saint François et repris par les premiers frères capucins. Une connaissance qui doit nous conduire à la conversion du cœur. Est ensuite rappelée l’importance de certains aspects centraux de notre vie, comme la vie de prière, en particulier contemplative, l’austérité et la pénitence, la vie fraternelle entre nous mais aussi dans la proximité avec les pauvres et l’apostolat. En un certain sens, ce numéro cherche à trouver un équilibre entre l’esprit qui animait les premières Constitutions et celui qui prédomine dans celles d’aujourd’hui. En effet, y sont mentionnées les dimensions de la vie contemplative, de l’austérité et de la joyeuse pénitence, mais immédiatement après, est de nouveau affirmé ce qui a été déclaré dans le numéro précédent : que les relations entre nous doivent être basées sur la spontanéité fraternelle, que nous sommes appelés à partager la vie des malades et des pauvres et enfin la proximité avec le peuple[17].

Revenons de plus près à chacune de ces affirmations ! Il est d’abord affirmé que notre charisme est parvenu jusqu’à nous grâce aux frères qui nous ont précédés et qui, génération après génération, se sont inspirés de saint François. Une longue lignée de frères qui sont à l’origine d’une véritable tradition, nous précède. Cela signifie que nous ne pouvons pas nous comporter comme si nous étions les premiers à nous être mis à marcher sur les traces de François. Dire tradition signifie toujours se référer à des personnes, des personnes concrètes, à leur propre histoire, à des gens qui méritent respect et gratitude.

D’où la nécessité de connaître notre histoire et de saisir quelle est la nature, c'est-à-dire le cœur et l’intention, du projet de vie qui est parvenu jusqu’à nous. La fidélité à l’Évangile aujourd’hui passe par la fidélité créative à la tradition qui nous a précédés. Il ne s’agit pas d’imiter ou de répéter dans les moindres détails ce qui a été fait par ceux qui ont vécu avant nous, mais de nous inspirer de cette tradition. D’une manière générale, nous avons une connaissance assez approximative de saint François et nous ignorons presque tout ce que les premiers capucins ont fait et les raisons qui les ont amenés à faire des choix différents de ceux en vigueur à leur époque. Pour qu’il y ait une fidélité créative, il est nécessaire de connaître le passé et en même temps de vivre pleinement dans le présent. La relation vivante avec le passé a pour objectif éminent le renouvellement de la vie de notre Ordre aujourd’hui. Il ne s’agit donc pas de faire un simple exercice d’érudition historique, même si la connaissance détaillée de celle-ci reste une donnée indispensable, mais bien de donner une continuité aux intuitions évangéliques de notre fondateur et des premiers capucins.

Le texte se poursuit par un appel pressant à donner la priorité à la vie de prière, particulièrement contemplative. Il rappelle ensuite plusieurs aspects caractéristiques du charisme franciscain : vivre en ce monde en tant que pèlerins et étrangers, pratiquer la pauvreté de manière radicale, rappelant la nécessité de le faire aussi bien personnellement que communautairement. Étant donné qu’il existe toujours le risque de considérer la pauvreté uniquement du côté extérieur comme une privation de biens, le texte mentionne l’esprit de minorité comme un moyen concret de réaliser la vie de pauvreté. En vivant ainsi, les frères capucins conjugueront de façon exemplaire une vie austère et de joyeuse pénitence dans l’amour de la Croix du Seigneur. Ce troisième paragraphe veut certainement retrouver les dimensions qui ont imprégné et structuré les premières Constitutions des Capucins.

Suit un paragraphe qui reprend les aspects de la fraternité et de la minorité, en les précisant davantage. La modalité des relations fraternelles entre nous est ainsi soulignée, relations qui doivent être basées sur la spontanéité fraternelle ; par suite, nous sommes invités à vivre volontiers parmi les pauvres, les faibles et les malades. Cette invitation ne manque pas d’être concrète et stimulante, car qui de nous est disposé de son propre choix à partager la vie des pauvres, des faibles et des malades ? C’est une chose de s’efforcer de mener une vie sobre et réduite à l’essentiel, mais c’est tout autre chose de partager la vie des personnes mentionnées ci-dessus. Cela ne peut avoir que des conséquences très pratiques sur la façon dont nous construisons nos maisons, sur les lieux où nous choisissons d’aller vivre, sur l’organisation que nous entendons donner à notre vie. La vie retirée au couvent est sérieusement remise en question. La question cruciale est alors la suivante : sommes-nous prêts à mettre en œuvre toutes les étapes qui nous permettront de réaliser cette proximité ?

Puisque nous sommes toujours dans la partie où sont annoncés les grands thèmes qui seront repris et développés plus tard, le dernier paragraphe de ce numéro mentionne la dimension apostolique de notre vie. Puis il précise qu'il s’agit de l’annonce de l’Évangile et d’autres formes adaptées à notre charisme sans préciser davantage lesquelles. Le paragraphe se termine par une référence à la manière d’accomplir ce qui vient d’être dit : en tout doit être maintenu l’esprit de minorité et de service.

N. 6

Ce numéro reprend et précise davantage ce qui était dit au début du numéro précédent, à savoir la nécessité de connaître, de garder et de développer le patrimoine spirituel de notre fraternité. C’est la condition indispensable pour vivre de façon créative la fidélité à notre charisme. Puisqu’il s’agit d’un véritable patrimoine spirituel, il est évident que nous sommes appelés à le connaître, à l’incarner dans le temps présent, mais aussi à le diffuser et à le proposer aux autres. Nous sommes appelés à vivre notre vie dans la conscience d’avoir reçu un héritage qui doit être partagé avec d’autres.

Parallèlement à la connaissance de la vie et des écrits de saint François, des sources franciscaines et de la tradition capucine, une mention spécifique est également faite de nos frères qui se sont distingués par leur sainteté, leur zèle apostolique et leur savoir. Qui mieux que l’interminable cortège de nos saints et bienheureux peut nous montrer les chemins à suivre pour une vie authentiquement capucine ?

Après l’invitation à approfondir la connaissance de notre passé, le texte s’empresse de redire la nécessité de traduire (trouver des modalités appropriées) tout cela dans les contextes de vie dans lesquels nous nous trouvons, et cela en fonction des différentes régions et cultures. La nécessité d’obtenir l’approbation des supérieurs légitimes est rappelée pour garantir que le processus d'adaptation se déroule de manière appropriée[18].

Ces premiers numéros qui mentionnent les principes dont notre vie doit s'inspirer se distinguent par leur densité et leur concision, mais on se demande parfois s’ils ne disent pas trop de choses en les plaçant les unes à côté des autres, sans que le lecteur puisse arriver à une claire appréciation de ce qui est prioritaire et de ce qui l’est moins. Il sera important et intéressant, dans la suite de la lecture et de l’étude du texte, de vérifier l’aspect de continuité et de discontinuité entre le texte des Constitutions actuelles et celles précédant le Concile Vatican II. En d’autres termes : si la vie fraternelle et minoritique sont les aspects déterminants de notre vie, dans quelle mesure et comment le texte actuel des Constitutions développe-t-il ensuite ce discours ? En fait-il vraiment un nouveau paradigme, ou bien constate-t-on ici ou là son affaiblissement ? Comment et avec quelle justesse le texte assure-t-il la continuité avec le passé sans pour autant perdre la nouvelle orientation que les chapitres généraux ont décidé depuis celui de 1968 de donner à la vie de notre Ordre ? Je pense que ces questions peuvent être utiles et presque constituer une hypothèse de lecture, dans la poursuite de l’approfondissement du texte.

Les trois numéros suivants traitent séparément des principaux documents de référence pour notre vie de frères mineurs capucins : la Règle, le Testament et les Constitutions.

N. 7

La Règle de saint François est présentée à partir de sa source d’origine qui est l’Évangile et comme instrument approprié pour vivre la vie évangélique. Par la suite le texte devient très concret, en invitant les frères à la connaître, à l’apprécier afin de l’appliquer aussi par après dans le concret de notre vie. La référence à l’approche des premiers capucins, à la saine tradition de l’Ordre et de nos saints n’est pas omise.

Il appartiendra principalement aux différents ministres et gardiens de promouvoir la connaissance et l’observance de la Règle.

Suit un paragraphe dans lequel on cherche à tenir compte du fait que notre Ordre est disséminé sur les divers continents et dans des cultures très différentes entre elles. Il s’ensuit qu’il est nécessaire, en sauvegardant toujours l’unité de l’Ordre, d’adapter la manière de vivre la Règle en fonction des cultures, des besoins des temps et des lieux.

Après avoir affirmé le principe de la pluriformité, le paragraphe suivant réitère avec force que cette dernière ne doit jamais se faire au détriment de l’unité et de la communion fraternelle. Le thème des différentes cultures et contextes devrait nous préoccuper bien au-delà de ces quelques lignes. Car si d’une part on a comme l’impression que la rencontre entre le charisme de notre Ordre et les différentes cultures n’a pas suscité de formes de vie réellement proches de ce que vivent les gens, on dirait d’autre part que bien des fois on se réclame de la culture pour défendre des positions discutables. S’il est vrai que nous nous dirigeons vers une pluralité d’interprétations culturelles de notre charisme, la dimension du dialogue entre les différentes approches culturelles n’en est toutefois qu’à ses débuts.

N. 8

Saint François ne peut être pleinement connu qu’en conservant précieusement ce qu’il nous a laissé dans son Testament, dans lequel il propose à nouveau son expérience évangélique et dans lequel il réaffirme avec force comment il entend que la Règle soit vécue et observée. On se souvient ici de la façon dont nous, Capucins, avons accueilli le Testament comme la première exposition spirituelle de la Règle, une décision qui prend ses distances avec les controverses surgies immédiatement après la mort de François, lorsque les frères en 1230 se sont tournés vers le Pape pour obtenir des éclaircissements au sujet du caractère plus ou moins obligatoire de l’observance du Testament. Grégoire XI dans la Bulle Quo elongati rassurait les frères de l’époque en statuant qu’ils n’étaient pas tenus de le faire[19].

N. 9

Le dernier numéro du premier article nous rappelle l’importance des Constitutions et la façon dont elles veulent nous aider à réaliser ce qui est écrit dans la Règle. Elles entendent orienter notre vie pour en faire, en vertu de la profession religieuse, un don total et inconditionnel à Dieu. Même dans ce numéro, qui a, pourrait-on dire, une valeur éminemment juridique, nous respirons néanmoins le style unique de nos Constitutions, qui ne se contentent jamais de nous donner des indications seulement de nature juridique, mais qui présentent toujours aussi la motivation spirituelle de l’ensemble. Il ne s’agit donc pas d’une invitation à une observance seulement extérieure, d’autant plus qu’il nous est rappelé de les observer non en serviteurs mais en fils qui aspirent à aimer Dieu par-dessus tout, à l’écoute de l’Esprit Saint qui les instruit et engagés pour la gloire de Dieu et le salut du prochain.

À la fin de ce numéro, au paragraphe 5, il est établi que nous sommes tenus de connaître et de respecter toutes les autres règles de notre droit particulier. Il peut être utile de rappeler ici comment le travail de renouvellement de ces Constitutions s’est aussi réalisé en extrayant du texte constitutionnel diverses normes de type pratique pour les placer dans le texte des Ordonnances des Chapitres Généraux des Frères Mineurs Capucins. Alors que toute modification ou dérogation aux Constitutions nécessite l’approbation de la Congrégation pour les Instituts de vie consacrée et les Sociétés de vie apostolique, le texte des Ordonnances des Chapitres Généraux peut être modifié par le Chapitre général de notre Ordre.

Article II

Notre vie dans l'Église

N. 10

Ce numéro commence par un crescendo de déclarations théologiques, qui décrivent de manière emblématique le mystère de l’Église. En outre, il me semble opportun de souligner que l’Église n’est pas considérée ici comme une fin en soi, mais plutôt dans sa mission de préparer et de collaborer à l’instauration du Règne de Dieu.

L’Église fait l’expérience d’être pourvue par l’Esprit-Saint de dons multiples en vue de sa sainteté et de sa mission, Parmi ceux-ci, la vie consacrée est mentionnée ici en particulier, et parmi les différentes familles spirituelles, une référence particulière est faite à la famille franciscaine. Celle-ci a reçu son approbation de l’Église et continue à bénéficier de sa vigilante protection. Tout y est orienté à maintenir vivante et présente l’image du Christ humble, pauvre, et voué au service des hommes, particulièrement des pauvres.

Il nous est également rappelé que les Capucins ont reçu l’approbation de la mère Église par le biais de la Bulle Religionis Zelus du pape Clément VII le 3 juillet 1528. Il s’ensuit que nous devons beaucoup à l’Église et sommes appelés à l’aimer comme notre mère.

Dans une dernière étape, il est rappelé que l’Église est composée de différentes traditions, en particulier les traditions orientales et occidentales. Il y a là une référence aux Églises sui juris et à leurs traditions liturgiques et pastorales. Ce paragraphe a été introduit dans le texte constitutionnel pour rappeler comment nous, les Capucins, nous sommes membres d’une même fraternité, tout en appartenant à des familles rituelles différentes

N. 11

L’amour pour l’Église fait sans aucun doute partie de l’héritage laissé par saint François, qui a délibérément choisi de soumettre à l’institution ecclésiastique ses intuitions et son propos de mener une vie selon le Saint Évangile. Il l’a fait pour la première fois quand il est allé à Rome se présenter au pape Innocent III avec un premier groupe de compagnons, et une deuxième fois en demandant l’approbation papale pour la Règle de 1223. Ce n’est pas pour rien qu’il a demandé à avoir un cardinal qui ait pour fonction de gouverner, protéger et corriger notre fraternité[20]. Il s’ensuit que nous devons obéissance au Pape et que nous sommes tenus de collaborer au bien des Églises particulières selon notre charisme sous la direction de l’Évêque diocésain. Ce numéro se termine par une référence explicite au respect qui est dû aux prêtres et à la collaboration avec eux[21].

N. 12

Ce numéro continue de répertorier quelles sont les autorités que nous, frères, sommes appelés à reconnaître et à suivre fidèlement. Notre autorité de référence directe est donc le Ministre Général de l’Ordre dans son double mandat de successeur de saint François et de lien qui nous unit à l’autorité de l’Église. Il est également précisé que nous sommes tenus d’aimer et d’obéir aux différents ministres et responsables des fraternités tant provinciales que locales, sans jamais perdre de vue notre intention d’accomplir notre service dans le cadre de la mission de l’Église.

N. 13

Après avoir indiqué quelles sont les autorités de référence pour nous les frères, dans ce numéro et dans le suivant, on reprend et développe davantage ce que voudrait être la contribution spécifique que nous entendons apporter aussi bien au sein de l’Église que dans le monde. Avant toute chose, nous voulons être des frères et en tant que tels susciter et promouvoir partout la fraternité. La source et l’origine de tout cela, saint François l’a trouvée dans le Père céleste sous la motion du Saint-Esprit. Nous sommes devant des affirmations qui nous aident à aller bien au-delà de ce qui nous a été dit dans les numéros précédents (n. 4) sur la signification et la centralité de la vie fraternelle comme charisme central de notre Ordre. Notre première et principale vocation consiste à :

  • se sentir frères de tous sans aucune discrimination ;
  • favoriser le sens de la fraternité dans tout l’Ordre ;
  • cultiver des relations fraternelles avec le reste de la Famille franciscaine.

Nous ne pouvons pas nous limiter à cultiver l’esprit fraternel uniquement entre nous les frères, mais à la manière d’un levain évangélique, il s’agit de promouvoir d’authentiques relations fraternelles entre tous les hommes et tous les peuples. En d’autres termes, il nous est dit que nous avons la mission de promouvoir la paix en tout lieu et que ceci n’est pas la moindre des activités pastorales.

N. 14

Si dans le numéro précédent l’appel à la promotion de la vie fraternelle trouve sa source dans la contemplation du Père, le bien suprême, ce numéro a un caractère éminemment christologique. Dans un premier temps, il est rappelé que le choix du Seigneur Jésus de se faire serviteur est actualisé chaque jour par lui-même dans le sacrement de l’Eucharistie. Ensuite, il est noté que c’est en contemplant l’humilité de Dieu en Christ que François a décidé de se faire mineur. C’est de là que doit provenir et s’alimenter notre engagement en faveur des pauvres et des exclus. Par conséquent, nous devrions établir nos fraternités parmi les pauvres en développant avec eux un type de solidarité qui vise la promotion d’une vie authentiquement humaine et chrétienne. Là aussi se fonde notre engagement dans les domaines de la justice et de la paix.

N. 15

Ce dernier numéro nous rappelle que la fraternité et la minorité sont à vivre dans l’alternance des temps passés en ermitage et des temps consacrés à la vie apostolique. Le texte nous rappelle que aussi bien Jésus avec ses apôtres que saint François ont pratiqué un style de vie qui dédiait un temps suffisant à l’une et l’autre dimensions. Il en va de même pour la tradition capucine, mais il est clair qu’il ne suffit pas de formuler un appel, aussi fort et intense soit-il, à retrouver cette capacité d’alterner contemplation et activité apostolique d’une manière équitable, marquée par l’Évangile. Ici, notre Ordre en toutes ses composantes est confronté à un défi non négligeable, qui nécessite, pour être relevé, de vivre une conversion individuelle et de groupe vraiment radicale ! Le risque de proclamer des principes très beaux et très vrais mais qui restent lettre morte dans le concret de notre existence, est malheureusement une réalité, tout spécialement dans ce domaine.

Le premier chapitre de nos Constitutions a jeté les bases de ce qui sera développé dans les chapitres suivants et il sera important de l’avoir à l’esprit presque comme une boussole pour guider notre parcours de lecture et pour vérifier dans quelle mesure ce qui a été annoncé dans le premier chapitre trouve son développement organique et cohérent dans les chapitres suivants.



[1] DINO DOZZI, La Regola per la vita, in : La Regola di frate Francesco. Eredità e sfida / dir PIETRO MARANESI, FELICE ACCROCCA, Padova 2012, 189 – 228, 222. Pour l’ensemble, voir en particulier : FRANCESCO POLLIANI, Le nuove Costituzioni dei Frati Minori Cappuccini, Analisi e commento, Milano 2016.

[2] Test 14

[3] 1Reg 1,2.3.4 (D*190)

[4] Adm. 27,3 (D*295).

[5] Cf. Pietro Maranesi, Il sogno di Francesco. Rilettura storica della Regola dei frati minori alla ricerca della sua attualità, Assisi 2011.

[6] Cf. Dino Dozzi, La Regola per la vita, in La Regola di Frate Francesco, Eredità e sfida, dir. Pietro Maranesi e Felice Accroca, Padova 2012, 191-228.

[7] D. DozzI, ibid. 219.

[8] Cf. Uvol 1 (D* 300) ; 1Reg 9,4-5 (D* 202),

[9] Cf. PIETRO MARANESI, Facere misericordiam. La conversione di Francesco d’Assisi: confronto critico tra il Testamento e le Biografie, Assisi 2007.Traduction partielle par André Ménard consultable sur http://www.freres-capucins.fr/echange/index.php

[10] Ratio Formationis Generalis OFMCap, II/2 : Le lépreux.

[11] Identità e appartenenza cappuccina. Lettera del ministro generale Mauro Jöhri, Octobre 2017.

[12] CPO 7.

[13] 1Reg 16,7 (D* 209).

[14]1Reg 9,2 (D*201-202). C’est l’occasion de rappeler le texte du VIIème CPO entièrement dédié aux thèmes de la minorité et de l’itinérance.

[15] Cf. Pape François, La force de la vocation. Entretien avec Fernando Prado, Paris 2018.

[16] Ph 2, 6-7.

[17] Je me souviens que le pape François lors de l’audience accordée à la fin du 85ème Chapitre général a beaucoup insisté sur ce sujet : Ce matin, je pensais à vous. Il y a un mot que toi, Frère Roberto Genuin, tu as dit dans ton discours : avant tout les Capucins sont « les frères du peuple » : c’est une de vos caractéristiques. La proximité avec les gens. Être proches du peuple de Dieu, proches. Et la proximité nous donne cette science du concret, cette sagesse – c’est plus qu’une science : c’est une sagesse. La proximité avec tous, mais surtout avec les plus petits, les plus rejetés, les plus désespérés. Et aussi avec ceux qui se sont éloignés le plus. Je pense à Frère Cristoforo [du roman d’A. Manzoni Les fiancés], à « votre » Frère Cristoforo. Proximité : je voudrais que ce mot reste en vous, comme un programme. La proximité avec le peuple. Parce que le peuple a un grand respect pour l’habit franciscain. Un jour, le cardinal Quarracino m’a dit qu’en Argentine, il arrivait parfois que certains mangeurs-de-curés lancent une insulte à un prêtre, mais jamais, jamais un habit franciscain n’a été insulté, car c’est une grâce. Et vous les Capucins, vous avez cette proximité : gardez-la. Toujours proche du peuple. Parce que vous êtes les frères du peuple.

[18] Cf. Ratio Formationis Ordinis OFMCap, Annexe 1 : Unité charismatique dans la diversité culturelle.

[19] Cf. PIETRO MARANESI, L’eredità di frate Francesco. Lettura storico-critica del Testamento, Assisi 2009, en particulier 327-335.

[20] 2Reg 12,4 (D* 271).

[21] Test.6-7 (D*309) : “Après cela, le Seigneur m donna et me donne une si grande foi dans les prêtres qui vivent selon la forme de la sainte Eglise romaine, à cause de leur ordre, que même s’ils me persécutaient, je veux recourir à eux. Et si j’avais autant de sagesse que Salomon et si je trouvais de pauvres prêtres de ce siècle, je ne veux pas prêcher dans les paroisses où ils demeurent contre leur volonté”.

Dernière modification le mardi, 26 mai 2020 21:12
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