Ordo Fratrum Minorum Capuccinorum IT

Log in
updated 9:02 AM UTC, Mar 19, 2024

Remercions le Seigneur !

Télécharger la lettre

PDF Word Mobi Epub

 

Lettre à l’Ordre au début du nouveau sexennat

Remercions le Seigneur !

Réf. N. 00380/19

Introduction

1. Il me plait de commencer cette lettre par une invitation toute simple : remercions le Seigneur !

C’est une expression habituelle, qu’un de nos confrères répétait à la fin de tout entretient, de toute rencontre ou de tout échange d’idées. Il le faisait toujours, même lorsqu’il s’agissait d’une discussion plutôt enflammée, et qu’à cause de cela et de son tempérament sanguin, son visage devenait tout rouge. Qu’un accord ait été trouvé, ou que les avis soient restés divergents ou contradictoires, la conclusion était inévitablement : Bon ! Remercions le Seigneur !

2. Il me semble identifier, dans cette manière d’être et de s’exprimer, un trait bien caractéristique de l’expérience de saint François et comme un écho de sa louange continuelle du Très-Haut Seigneur Dieu. De plus en plus conscient des merveilles que le Seigneur voulait accomplir avec lui durant sa vie, et désormais sûr des promesses encore plus grandes qui l’attendaient, François ne pouvait que conclure en confirmant que le Très-Haut, le Tout-Puissant est un bon Seigneur. Il est tout bien, tout le bien, le souverain bien à qui s’adresse la reconnaissance que nous lui devons ! [1]

3. D’ailleurs, c’est la Mère du Rédempteur, la bienheureuse Vierge Marie, notre mère, qui nous forme quotidiennement à la gratitude et à la louange, qui nous invite à magnifier le Seigneur pour les merveilles accomplies pour nous, pour nos frères et pour son peuple, qui nous pousse à rendre grâce du fond de notre cœur qui exulte en Dieu notre Sauveur (cf. Lc 1, 46-55).

4. Dans ses derniers enseignements le pape François, revient à plusieurs reprises sur l’invitation à faire mémoire du passé avec gratitude, afin de pouvoir nous ouvrir de manière décisive à l’avenir et retrouver l’énergie nécessaire pour nous appliquer avec passion à l’aujourd’hui de notre parcours, de notre histoire personnelle et à celle de notre Ordre et de l’Église[2]. La vie devient ainsi un Laudato Si’[3], qui diffuse la joie de reconnaître combien le Seigneur est bon avec ceux qui l’accueillent et lui et son évangile[4].

5. Parmi les événements récents, dont nous faisons mémoire avec gratitude, il y a évidemment la célébration du 85e chapitre général (26 août - 15 septembre 2018), qui a fait le point sur le chemin parcouru par notre Ordre au cours du dernier sexennat et ouvert le chemin qu’il faudra parcourir avec décision, dans les années à venir. C’est donc le moment de commencer à nous concentrer sur les indications qui ont émergé des travaux capitulaires, sans oublier les indications précieuses que le pape François nous a données lors de l’audience qu’il nous a accordée le 14 septembre 2018[5].

I. Ratio Formationis

6. Après le rapport du ministre général, Fr. Mauro Jöhri, et l’élection du nouveau gouvernement, le thème principal prévu par l’ordre du jour du chapitre était l’étude et l’approbation de la Ratio Formationis Ordinis. Le thème avait été étudié de manière très approfondie dans les années précédentes, avec la contribution de l’ensemble de l’Ordre. Les conclusions avaient été résumées dans l’instrumentum laboris préparé par la commission compétente. Au début du chapitre, on avait ressenti comme une certaine tension, provoquée par l’idée que les sujets traités et les différentes sensibilités auraient pu mettre en lumière certaines divisions au sein de notre Ordre. La préoccupation s’est avérée sans fondement, puisque les travaux ont exprimé au contraire et de manière tout à fait significative, une perception commune.

a) Communion sur les valeurs exprimées par la Ratio

7. Au cours des travaux, chaque capitulaire a eu une grande possibilité d’intervention, sur ce sujet et sur les autres sujets à l’ordre du jour. On n’a jamais refusé ni limité la parole à personne. Les interventions ont été appropriées et constructives. Le dialogue s’est développé avec sérénité et dans un doux et humble respect à l’égard des sensibilités de tous. Ces aspects indiquent déjà le climat de communion que nous avons vécu. Nous devons reconnaître que cela aussi est un vrai don de Dieu, car cela ne se passe pas toujours ainsi entre nous !

8. Mais la chose la plus importante qui s’est manifestée de manière pleinement évidente c’est que, d’un bout à l’autre du monde, l’Ordre est vraiment d’accord sur les valeurs qui caractérisent notre identité de frères capucins et sur l’appel à vivre l’évangile de notre Seigneur Jésus-Christ selon la forme de notre vocation. Il m’est apparu sans équivoque, que cette communion n’est pas le fruit d’une simple connaissance intellectuelle de notre règle ou de nos constitutions, mais qu’il s’agit plutôt d’une « perception » qui s’est faite vie, qui s’est faite entrailles, qui s’est faite sequela, qui s’est faite désir/engagement intime à correspondre de manière authentique à l’appel du Seigneur. Je pense que cela sera un point de grande force et un motif de confiance assurée pour le chemin que le Seigneur nous demande, à nous et à l’Ordre, de parcourir dans un proche avenir.

9. Il nous faut pourtant tous admettre qu’entre l’idéal et le réel, entre le désir – même le plus authentique – et sa traduction en pas concrets dans notre vie, il y a toujours un écart plutôt accentué. Saint Paul en donne une description et une motivation splendides : « je sais (…), en effet, que ce qui est à ma portée, c’est de vouloir le bien, mais pas de l’accomplir. Je ne fais pas le bien que je voudrais, mais je commets le mal que je ne voudrais pas. Si je fais le mal que je ne voudrais pas, alors ce n’est plus moi qui agis ainsi, mais c’est le péché, lui qui habite en moi. Moi qui voudrais faire le bien, je constate donc, en moi, cette loi : ce qui est à ma portée, c’est le mal » (Rm 7, 18-21).

10. Nous aussi, nous nous trouvons souvent dans une telle contradiction. Certes, nous sommes sincères lorsque nous cultivons le désir d’être pleinement cohérents dans notre réponse au Seigneur et nous y travaillons. Mais ensuite nous découvrons que nous sommes si fragiles, que nous n’y avons que peu ou pas répondu, et qu’il nous faut chaque jour, à nouveau recommencer. Ne manquent pas non plus les occasions où la déception et le malaise peuvent apparaître. De quelle manière s’en tirer ? C’est toujours saint Paul qui nous l’indique : « grâce soit rendue à Dieu qui me libère par Jésus Christ notre Seigneur ! » (Rm 7, 25)

11. Puisque nous sommes vraiment sûrs que le Seigneur ne reste pas inerte en simple spectateur de nos efforts et de nos échecs, qu’il ne se présente pas en simple modèle à imiter, mais qu’il est chaque jour à nos côtés et que c’est lui qui fait de nous ce qu’il désire, nous pouvons toujours entreprendre ou reprendre avec confiance, le chemin : il y a devant nous un bel et bon bout de chemin à parcourir, nous sommes tous conscients et unis sur les valeurs qui qualifient notre identité charismatique, nous voulons nous engager à les incarner avec une plus grande authenticité, et le Seigneur saura nous guider avec fidélité et efficacité.

b) Intégration et publication de la Ratio

12. Dans leurs interventions, les capitulaires ont proposé des éléments pour l’enrichissement et l’amélioration du texte de la Ratio formulé au cours de ces années d’études. Pour cette raison, en plus d’une réception positive et générale de la Ratio, le chapitre général a également demandé qu’une commission spéciale la complète en y intégrant les contributions présentées. Il a ensuite recommandé que le texte définitif soit, dans le délai d’un an, remis au ministre général et à son conseil, de sorte que la Ratio puisse être finalement approuvée et rendue opérationnelle pour tous les frères de l’Ordre.

13. En réponse à ces indications, le conseil général a décidé de confirmer la petite commission qui s’était chargée de la dernière rédaction du texte. Cette commission est déjà au travail et envisage de remettre le texte, mis à jour conformément aux instructions du chapitre, dans les prochains mois de septembre/octobre. On peut donc espérer que, d’ici la fin de cette année, la Ratio Formationis Generalis de l’Ordre pourra être remise à tous (cf. Motion 1.1).

c) Application de la Ratio dans les différentes régions de l’Ordre

14. Les valeurs communes de notre vie et de notre vocation, sur lesquelles nous nous sommes tous sentis en harmonie, doivent pouvoir être mises en œuvre là où nous sommes appelés à vivre et à donner notre témoignage. Comme l’a bien mis en évidence Fr. Mauro Jöhri dans son rapport et comme le montrent clairement les chiffres statistiques, l’axe de l’Église catholique tend à ne plus avoir son pivot dans le monde occidental et en particulier en Europe. Dans le monde occidental, les sociétés sont pour la plupart sécularisées et, nous pourrions même dire « déchristianisées », avec un déclin numérique vraiment accentué des vocations sacerdotales et religieuses. Ce n’est pas le cas dans les régions d’Asie et d’Afrique, où notre Ordre aussi augmente en nombre de manière significative, jusqu’à presque équilibrer la diminution dans les autres régions. Il est alors tout à fait logique et nécessaire que les valeurs partagées et acceptées par tous soient concrètement traduites de façon diversifiée, en raison des différentes situations et cultures dans lesquelles nous sommes insérés et qui assurent la respiration de notre vie et celle du peuple.

15. Il incombera donc à chaque conférence ou circonscription d’élaborer ses propres projets, mais en étant attentif à ceci : il ne s’agit pas de modifier notre identité charismatique et les valeurs de notre vocation spécifique en y faisant entrer, sans discernement suffisant, des éléments propres aux différentes cultures. Il s’agit plutôt d’identifier les modalités par lesquelles les valeurs évangéliques de notre Religion peuvent être vécues avec authenticité dans les différentes cultures, en en valorisant les bons contenus, en en démasquant les aspects fragiles ou qui sont à corriger selon Dieu, en introduisant par le témoignage de notre vie évangélique la bonne nouvelle du royaume.

16. C’est un engagement important et passionnant pour l’ensemble de l’Ordre, car il est presque expressément sollicité par le Seigneur, à travers l’actuelle évolution des vocations dans des régions du monde assez différentes de celles dans lesquelles nous étions habitués à concentrer notre attention. Il faudra demander avec force l’aide de l’Esprit, pour qu’il nous soutienne dans notre engagement et qu’il guide nos pas dans la fidélité à notre vocation. Dans les années à venir, nous essaierons d’étudier, avec les membres du conseil international pour la formation, comment on pourra, d’une façon efficace, accompagner et vérifier la promotion de la Ratio Formationis dans chaque conférence (Motion 1.2).

II. L’Ordre en Europe

17. Je pense que nous sommes désormais tous pleinement conscients de la situation que vit actuellement l’Ordre dans le contexte européen. Il y a une diminution rapide du nombre de frères (dont est partiellement exemptée une partie de l’Europe de l’Est) pour laquelle on ne prévoit aucun revirement. Humainement, c’est un fait regrettable. Mais dans une perspective de foi, c’est un fait qui – même si c’est, encore une fois, de façon plutôt inhabituelle ! – interpelle notre responsabilité de donner une réponse, basée sur la certitude que le charisme et son avenir sont bien enracinés dans la seigneurie de Dieu.

18. L’Ordre a déjà pris quelques initiatives au cours des dernières années pour tenter de répondre aux nouvelles situations, et il existe déjà de petits signes de rétablissement d’authenticité et de vie. Ils demandent notre attention et notre accompagnement, car ils nous confirment que, même dans notre monde sécularisé, le Seigneur travaille encore et que notre charisme offre de nombreuses possibilités d’insertion heureuse et de témoignage fécond de l’évangile. Je dirais même que, si nous sommes capables de « nous rendre disponibles », en vivant notre vocation de frères mineurs avec simplicité et vérité, notre monde nous « attend ». Il me semble assez évident que le Seigneur est en train de nous stimuler d’une manière très forte. Nous devons et nous pouvons donc, nous rendre disponibles, car il y a encore beaucoup à faire !

19. Le nouveau gouvernement de l’Ordre a l’intention de s’engager à donner suite, selon les modalités que nous saurons trouver ensemble, aux demandes répétées et unanimes des capitulaires : procéder à la révision des conférences et des circonscriptions, et au développement tant des collaborations entre circonscriptions que du projet appelé fraternité pour l’Europe.

a) Révision des conférences et des circonscriptions

20. Suite aux changements rapides en toute l’Europe et aux variations importantes de notre présence qui en dérivent, le chapitre a demandé que le nouveau gouvernement de l’Ordre étudie la manière de mettre à jour les conférences européennes des supérieurs majeurs et des circonscriptions qui donnent sur la Méditerranée et dans le Golfe persique. C’est un besoin qui est évident et qui devient de plus en plus pressant : voir, par exemple, la situation de la conférence ibérique (CIC), mais aussi la fragilité de nos présences dans les pays méditerranéens, en particulier – mais pas uniquement – la Grèce et la Turquie (ASMEN). Nous pensons, aussi, à certaines questions qui doivent être approfondies en ce qui concerne la CECOC (pays d’Europe de l’Est) et la CENOC (pays d’Europe du Nord), en particulier en ce qui concerne les maisons de formation.

21. Nos constitutions confient au ministre général et à son conseil la responsabilité de constituer les différentes conférences (cf. const. 144, 2). Mais il n’y a aucun doute qu’au moins tous les supérieurs majeurs des régions concernées devront être impliqués dans la réflexion, car les choses iront mieux si tous apportent leurs observations. Dans une logique de foi et dans celle de notre charisme, si nous nous sentons tous impliqués et si nous donnons notre contribution, nous comprenons mieux ce que le Seigneur nous demande et nous agissons également d’une manière plus conforme à sa volonté.

22. La diminution du nombre de frères a déjà imposé, depuis quelque temps, la réduction de plusieurs circonscriptions, presque toujours en réunissant deux ou plusieurs provinces. D’autres pas de ce genre sont en cours et devraient être prévus à l’avenir. Ces passages impliquent de durs efforts, qui sont bien compréhensibles. Ils suscitent même chez nous certaines résistances, parfois accentuées. À cet égard, il convient de noter que s’il est vrai que l’attachement à sa propre province indique un fort sentiment d’appartenance et d’amour envers l’institution qui nous a permis d’être « engendrés » dans l’Ordre, nous ne pouvons pourtant pas permettre que les circonscriptions, qui ont beaucoup contribué au cours des siècles à une croissance ordonnée de l’Ordre en Italie et en Europe, deviennent, dans ces nouvelles conditions que nous vivons, un obstacle à nous reconnaître frères ou même une raison pour refuser de nous reconnaître frères. Ce serait une façon de nuire gravement à notre identité charismatique.

23. Lorsque nous arrivons, par contre, à ne pas nous laisser trop influencer par les structures, qui menacent maintenant de nous asphyxier, et si nous savons nous ouvrir aux autres avec bienveillance – qu’ils soient de langue, de culture, de nation ou de formation différentes – c’est toujours notre vie personnelle et celle de l’Ordre qui en profite. Cela peut devenir un chemin vers une saine croissance et un enrichissement réciproque, précisément dans le contexte d’une forte diminution en nombre. Personne d’entre nous ne vit sa propre vocation en fonction du nombre ou des structures. Tout en utilisant des structures qui sont toujours à renouveler selon les besoins, nous sommes tous appelés à construire des fraternités évangéliques. En elles, afflue notre possibilité de répondre au Seigneur qui nous appelle.

b) Collaborations en cours et collaborations à développer

24. Pour l’Église européenne et occidentale, le 20ème siècle fut sans aucun doute caractérisé par une poussée missionnaire impressionnante. Ce sont surtout les religieux et les religieuses qui se sont rendus disponibles pour partir, nombreux, en Afrique, en Asie et en Amérique. Ils ont porté la première annonce de l’évangile là où la foi chrétienne n’était pas encore connue ou bien elle l’était peu. Ils ont lancé de nombreuses nouvelles communautés ecclésiales, qui sont aujourd’hui des Églises vivantes, florissantes et en croissance.

25. Combien de nos frères capucins ont quitté leur pays et leur province pour aller, avec enthousiasme, « dans les missions », déterminés à se donner entièrement pour la croissance du royaume de Dieu ! Et combien les provinces se sont engagées à les envoyer et à les soutenir ! Si la bonté de l’arbre se reconnaît à ses fruits, il nous faut aussi, tout en voulant garder à l’esprit toutes les limites dues à notre commune faiblesse, reconnaître que l’œuvre des missionnaires a été vraiment efficace et, à bien des égards, grandiose. C’est, à n’en pas douter, le Seigneur qui a été à l’œuvre, mais en tirant profit de la disponibilité sincère des frères qui n’ont pas eu peur de partir et de la générosité de ceux qui les ont laissé partir. Nous sommes même intimement pris d’un je ne sais quoi d’envie et restons éblouis par la façon dont nos missionnaires ont été capables de se donner, de travailler, d’être témoins de l’évangile, en sacrifiant littéralement leur propre vie en de nombreux cas.

26. Mais pourquoi ne pas nous rappeler que cette même vocation qui les a poussés à être réellement de vrais ouvriers de l’évangile, c’est aussi la nôtre ? Alors, si nous l’embrassons complètement, le Seigneur permettra à nous aussi, aujourd’hui et dans tous les temps, d’en faire autant, et même mieux !

27. L’une des manières qui de nos jours, est en train d’assumer cette dimension missionnaire de notre vocation, une dimension à laquelle nous ne pouvons renoncer (cf. const. 175, 5), c’est la collaboration entre les différentes circonscriptions. Il faut de manière positive, prendre acte qu’il y a désormais un important mouvement de frères, en particulier des provinces de l’Inde, qui sont envoyés pour aider les « anciennes » circonscriptions du monde occidental. Sans cette aide, non seulement nos présences risqueraient de vraiment trop se réduire, mais aussi ne ressentiraient plus la vivacité et le sens de notre charisme au moment de la baisse de notre capacité effective de répondre à l’urgence d’une nouvelle évangélisation (là où) la vie de groupes entiers n’est plus modelée par l’évangile et que beaucoup de baptisés ont perdu, en partie ou en totalité, le sens de la foi (const. 176, 3).

28. Il y a de nombreux aspects positifs dans ces collaborations qui, selon le mandat du chapitre, seront bien sûr soutenues et renforcées dans la mesure du possible. Se sont également manifesté quelques aspects critiques dus, en peu de cas, à l’inobservance des indications de nos constitutions, mais surtout, à un certain désordre dans les réalisations concrètes. Cela devrait nous amener à remanier les lignes directrices pour la collaboration fraternelle, approuvées ad experimentum au chapitre général de 2012[6]. Pour certains cas, la Ratio Formationis apportera elle aussi des contributions concrètes, par exemple, pour ce qui regarde la formation qu’un frère doit avoir déjà reçue avant d’être envoyé en mission ou en collaboration.

29. Entretenons l’espoir que l’accompagnement attentif de cet émergent nouveau dynamisme qui cherche à exprimer, de manière adaptée aux temps que nous sommes en train de vivre, notre disponibilité à aller, sans réserves, là où les besoins du peuple de Dieu demandent notre réponse, contribuera à renouveler l’enthousiasme de notre Ordre pour le Royaume et la vivacité qui, au long des siècles, nous a toujours distingués.

30. Il existe également une autre forme de collaboration entre les circonscriptions pratiquée depuis déjà quelque temps et ayant produit de nombreux effets bénéfiques ; nous croyons devoir la soutenir avec beaucoup d’engagement, car nous pensons qu’elle caractérisera fortement l’avenir de l’Ordre. Il s’agit de l’ouverture généreuse, qui qualifie la dimension fraternelle, à la collaboration entre circonscriptions voisines ou de la même région. Ceux qui, avec détermination, se sont déjà avancés sur cette route et qui ont affronté sans s’enfuir, les difficultés qu’elle aussi comporte, savent combien la collaboration apporte d’avantages, en particulier au profit des jeunes générations de l’Ordre qui apprennent, sans difficulté, à s’ouvrir à la dimension mondiale de notre fraternité, sans pour autant se trouver limités ou affaiblis par les fragilités locales, car ils ont confiance en notre plus grande et multiforme richesse.

31. Dans ce cadre, la responsabilité des supérieurs majeurs de toutes nos circonscriptions, est sans exception fortement interpelée. Ils peuvent beaucoup favoriser la croissance fraternelle de leurs frères et de l’Ordre en orientant leurs choix vers la recherche effective d’une collaboration sérieuse, qu’ils peuvent la paralyser par des choix qui s’y opposent.

c) Projet « Fraternités pour l’Europe »

32. Il y a déjà quelques années que nous nous demandons comment faire pour qu’à l’avenir notre présence continue en Occident, d’être significative. Ce n’est qu’en 2014, que tous les ministres – provinciaux et custodes – d’Europe se sont réunis à Fatima précisément pour discuter de ce sujet. Avant, il y avait déjà eu quelque petite expérience (ex. Clermont Ferrand), mais depuis, l’Ordre a pu promouvoir promouvoir, avec plus de détermination, le projet Fraternités pour l’Europe. Fr. Mauro Jöhri décrivait ce projet en ces termes : « Nous voulons tenter un nouveau chemin, en constituant des fraternités interculturelles, qui à la lumière de l’évangile et de nos constitutions, vivront la prière, la vie fraternelle et la mission de façon authentique et cohérente. La richesse de l’interculturalité ce sera le témoignage que des frères de différentes cultures, qui regardent vers le Christ présent au milieu d'eux, peuvent vivre, se donner et travailler ensemble. Ce qui nous soutient c’est la conscience que le charisme de François d’Assise, vécu et témoigné, a encore beaucoup à dire et à communiquer aux hommes et aux femmes de notre temps Nous ne savons pas encore quel sera le résultat de ce chemin ; mais le cœur rempli d’espérance nous voulons commencer à faire les premiers pas »[7].

33. Le projet s’est développé au point qu’ont été maintenant constituées et ouvertes, même si c’est selon des modalités différentes, les fraternités de Clermont Ferrand et de Lourdes en France, celle de Kilkenny en Irlande, celle d’Anvers en Belgique, celle de León en Espagne et celle de Spello en Italie. Puisque l’initiative semble déjà donner des fruits très positifs, et forts du mandat du chapitre général, nous voulons nous engager à, plus encore, la soutenir. Pour le moment, nous sommes en train de penser et d’œuvrer pour que se constituent deux autres fraternités présentant ces caractéristiques, notamment à Meercel-Dref en Belgique, à la frontière avec la Hollande, et dans le sanctuaire de Mariabesnyo, notre ancienne présence en Hongrie. Par la suite, nous voudrions également mettre ainsi en valeur les Celle di Cortona : c’est un de nos lieux franciscains par excellence : nous croyons qu’il peut très bien répondre au besoin de nombreux frères de savourer à nouveau en ses racines notre spiritualité, de revenir un peu aux sources, de passer sereinement plus ou moine de temps dans un climat de simplicité, de prière et d’accueil.

34. Naturellement, pour toutes ces initiatives, nous demandons la disponibilité et l’enthousiasme de frères qui désirent quelque peu se lancer dans cette belle aventure. Qu’ils signalent leur disponibilité à leur ministre provincial et au conseiller général de leur région, qui sauront eux, comment tout coordonner et répondre au mieux, en fonction des désirs de entretenus par chacun et des nouvelles occasions de croissance et de témoignage offertes par le projet.

III. L’Ordre en Asie et en Afrique

35. La main de Dieu ne s’est pas retirée de nous : elle continue au contraire, son œuvre en faisant grandir de manière significative les capucins dans les régions d’Asie et d’Afrique. C’est un autre grand signe de prédilection pour notre Ordre et une autre grande bénédiction de Dieu pour nous. Comme il est beau de savoir que presque partout dans le monde, on peut trouver des frères heureux d’être engagés à vivre notre bénie vocation elle-même ! Il faut, alors, en tirer profit et essayer de tous nous entraider, pour que l’arbre, vigoureux qui est en train de pousser en ces régions grâce à une inépuisable bienveillance de Dieu, trouve dans les valeurs de notre charisme une sève nourrisante et abondante. Les régions dont nous parlons sont très vastes et englobent nombre de cultures, langues et traditions différentes alors qu’en raison d’un unique charisme, nous pouvons aussi réfléchir sur certains besoins communs.

a) L’incarnation du charisme

36. Je ne crois pas qu’il y ait quelque doute à propos de ceci : si le Seigneur permet que l’Ordre se développe aujourd’hui si vigoureusement en Asie et en Afrique, c’est parce qu’il sait bien que le charisme y trouve un terrain fertile et des frères qui peuvent aujourd’hui, l’incarner avec authenticité. L’engagement direct que le Seigneur nous confie et que nous devons tous chercher à affronter avec passion, c’est précisément le défi de traduire, avec authenticité, les valeurs de notre charisme dans des cultures si différentes, originales et riches, afin de pouvoir être en elles, un bon ferment de l’évangile de notre Seigneur Jésus-Christ. Il s’agit d’une tâche qui en tout premier lieu, met en cause les frères issus de ces cultures : un Européen ou un Américain pourront difficilement incarner le charisme dans des cultures qui ne sont pas la leur. Ils pourront aider à transmettre les valeurs propres à notre vie franciscaine et capucine, mais les faire vivre à nouveau, de manière profonde et originale en d’autres cultures, c’est précisément la tâche de celui qui est né en ces cultures, de celui qui en a respiré l’air et qui, pour cette raison, peut comprendre comment en elles, il est possibe d’introduire le feu de la spiritualité franciscaine (cf. Motion 1.4).

Il y a deux sujets, en particulier, sur lesquelles il vaut la peine de toujours réfléchir, car ils sont au cœur de notre identité et peuvent avoir des conséquences importantes sur le développement de notre Ordre : le thème de la fraternité[8] et le thème des frères laïcs.

37. Il est compréhensible que, dans une situation d’expansion, nos présences nouvelles aient été entreprises avec seulement quelques frères. Mais c’est compréhensible seulement comme moment initial. Cela devient problématique et discutable lorsque, dans des régions où nous sommes déjà abondamment présents, sont ensuite ouverts, des lieux nouveaux habituellement pour assumer la responsabilité de paroisses, sans que soit garantie la présence d’un minimum de trois frères (cf. cons. 118, 8). Dans ces cas, la fraternité devient seulement théorique : manque la vie commune quotidienne, c’est-à-dire le fait de prier ensemble, le fait d’affronter et de partager notre vie et notre foi, le fait que le services communs soient exercés par tous au service les uns des autres ; manque la dimension de la fraternité qui nous est propre, « lieu » privilégié dans lequel chacun peut trouver Dieu qui lui parle et lui offre tous les éléments nécessaires à sa véritable croissance humaine et spirituelle selon notre vocation ; manque le « lieu » où, en plus de la sensibilité personnelle – toujours à partager pour la croissance de chacun – nous pouvons aussi vraiment discerner ensemble, quelle est la volonté de Dieu concernant la fraternité locale, provinciale et celle de l’Ordre entier.

38. Autrefois, pour constituer une fraternité il fallait au moins 12 frères. Cela n’est plus possible aujourd’hui. Mais nous ne pouvons pas non plus penser que notre charisme trouvera les chemins pour s’incarner avec une divine efficacité, dans les différentes cultures, si nous ne misons pas de manière décisive sur la présence de fraternités significatives tant en nombre qu’en vitalité de rapports fraternels. Il sera également difficile de témoignager avec efficacité de notre vie si nous nous présentons seulement comme des opérateurs pastoraux, totalement dévoués au ministère, sans expression de la vie fraternelle.

39. La pénurie assez évidente de frères laïcs dans les nouvelles régions de développement de l’Ordre pose un problème : est-ce le Seigneur qui ne veut que des capucins ordonnés in sacris ou bien est-ce nous qui nous pensons et nous proposons seulement comme des frères prêtres ? Je ne pense pas que ce soit une question de nombre, mais d’identité charismatique ! Notre vocation est d’être des frères et des mineurs : toutes les autres « qualifications » n’ajoutent et n’enlèvent rien à cette identité. C’est plutôt à partir de cette identité que tout le reste reçoit sa propre physionomie. En d’autres termes, je ne me qualifie pas comme frère mineur parce que je suis prêtre, ou parce que j’ai un diplôme ou parce que je peux occuper des postes considérés comme prestigieux dans ma culture. Je ne me qualifie pas comme frère mineur parce que je peux tenir une paroisse, administrer les sacrements, diriger une école ou occuper des postes de pouvoir au sein de l’Église et de l’Ordre. Je me qualifie comme frère mineur seulement et dans la mesure où je m’engage à vivre l’Évangile de notre Seigneur Jésus-Christ, dans l’obéissance, sans rien en propre et dans la chasteté, avec une prédilection particulière pour un service généreux et humble, dans l’oubli de soi et la proximité aux derniers, aux exclus et aux pauvres.

40. C’est pourquoi, dans notre Ordre, il y a vraiment de la place pour tous, pas seulement pour ceux qui sont appelés à l’Ordre sacré. C’est pour cela que tant de nos frères laïcs ont pu atteindre la sainteté sans être prêtres, car être ordonné n’est pas un élément nécessaire pour vivre notre vocation. Qu’il serait plus grand le témoignage de l’évangile que nous donnerions, avec notre façon de raisonner et les choix que nous faisons, si nous réussissions à enrichir toutes les cultures de cette identité spécifique que l’Esprit nous a donnée pour le bien du peuple de Dieu ! Il faut trouver les manières de faire en ce sens des pas significatifs.

b) Ouvertures à la mission et collaborations

41. Grâce à Dieu, un grand mouvement de frères d’Asie et d’Afrique prêts à sortir de leur circonscription, pour répondre aux besoins du monde occidental ou même pour aller dans des missions vraies et propres, appelées ad gentes est déjà en cours. Il y a aussi des exemples de très petites circonscriptions, qui ont en interne d’importantes difficultés de personnel, et qui malgré tout ne renoncent pas à rendre l’un de leur membre disponible pour les besoins de l’Ordre. Il faudra que croisse dans toutes les circonscription, l’engagement à encore accorder encore plus de valeur à, la dimension missionnaire, en ouvrant le cœur et en mettant des frères à disposition, afin qu’ils aillent annoncer l’évangile en dehors de leur territoire. Une telle disponibilité est un signe important de la croissance et de la maturité de chaque circonscription, tant des supérieurs que des frères.

42. Durant le chapitre général, ont émergé, encore une fois, les difficultés qui surviennent lorsqu’une circonscription dépend directement du ministre général, et pour cela l’invitation à procéder à cet égard avec prudence. Parfois, il ne semble pas qu’il y ait des alternatives et il faudra continuer à utiliser cette possibilité offerte par nos constitutions, mais nous ne pourrons nous limiter à en prendre acte (cf. const. 136, 1). En grandissant en nombre et en maturité de la foi, il faudraaussi que grandisse et se développe la responsabilité directe des circonscriptions les plus fortes à l’égard de ces territoires et présences qui peinent à annoncer l’évangile et à implanter l’Ordre. C’est un engagement qui naturellement développé en communion avec l’Ordre, doit pourtant être autant que possible, assumé au niveau de la province.

43. Bien que se soit fortement accrue la sensibilité de tous à l’égard de la valeur des collaborations entre les circonscriptions d’une même région, et bien que soient déjà en cours de nombreuses initiatives tout à fait positives, ce serait une erreur de ne pas aller encore plus de l’avant. Il y a besoin urgent, notamment dans le domaine de la formation, de mettre à disposition, pour les centres de formation communs, des forces plus nombreuses et de meilleure qualité. Au cours de ces années, l’Ordre a investi beaucoup d’énergie pour préparer adéquatement de nombreux frères tant pour la formation que pour le service académique : il s’agit de centaines de confrères qui ont pu acquérir les compétences nécessaires. Maintenant, nous devons tous nous aider à faire que le bien reçu devienne une générosité à mettre avant tout au service de nos frères en formation.

44. Dans certaines régions, il y a des centres de formation interprovinciaux importants, établis depuis des années. Il arrive en certains cas que, lorsqu’une difficulté se présente, les ministres décident de façon autonome, peut-être trop facilement, de retirer leurs candidats et leurs professeurs de la collaboration commune. Ainsi, les centres interprovinciaux s’affaiblissent et parfois la situation peut devenir insoutenable. Il faudra au contraire que l’orientation soit plutôt de se confronter ouvertement au sein des conférences pour affronter ensemble les problèmes et les aspirations légitimes et chercher, autant que possible de manière concordante, les meilleures solutions pour le bien des candidats, des provinces et de l’Ordre. Dans ce cadre, il peut être très aidant d’impliquer aussi dans le processus de décision, les responsables du secrétariat général de la formation (cf. Motion 1.3).

c) Conditions pour la mission et la collaboration

45. « L’amour fraternel ne peut être que gratuit, il ne peut jamais être une rétribution pour ce qu’un autre réalise ni une avance pour ce que nous espérons qu’il fera. C’est pourquoi, il est possible d’aimer les ennemis. Cette même gratuité nous amène à aimer et à accepter le vent, le soleil ou les nuages, bien qu’ils ne se soumettent pas à notre contrôle. Voilà pourquoi nous pouvons parler d’une fraternité universelle »[9].

46. J’ai voulu reprendre cette affirmation du pape François, car il me semble qu’elle indique bien la condition de base nécessaire, qui permet une ouverture fructueuse à la mission ou aux collaborations : il s’agit de la gratuité. Déjà Fr. Mauro Jöhri nous avait fortement stimulé, en nous indiquant le chemin pour raviver la flamme de notre charisme[10] tout comme il nous avait provoqué de différentes manières à l’égard de la mission[11]. Le chemin de base indiqué par Mauro est celui du don de soi. Il est peut-être important de prendre à nouveau en considération ces deux lettres, qui nous offrent tant de suggestions utiles pour affronter de manière féconde, les défis qui nous attendent, dont le premier est que notre vocation est un appel à sortir de soi pour se mettre gratuitement au service des frères[12].

47. Au Chapitre Général, on a été impressionné par la phrase d’un frère envoyé en collaboration dans une province d’Europe. Ce frère avait constaté avec amertume : j’ai été vendu par ma province ! C’était probablement un ressenti personnel dans un moment de fatigue. Mais cela nous aide à bien comprendre que la disponibilité pour la mission et pour les collaborations ne peut jamais être vraie, si elle est tournée seulement vers les régions du monde qui offrent un niveau élevé de vie ou un retour économique pour les circonscriptions qui envoient, alors que devrait manquer la disponibilité pour les régions où l’on peut souffrir de la pauvreté et du dénuement. Comme on ne peut pas approuver que les circonscriptions qui en ont besoin se servent de leurs ressources économiques pour se garantir ou pour « acheter » le service des frères de provinces qui ont du personnel disponible. Il ne peut pas en être ainsi entre nous[13]. L’Ordre, toutes les circonscriptions et tous les frères sauront soutenir, d’autre façon et de manière appropriée, ceux qui se rend disponible et est appellé à aller généreusement « parmi les sarrasins » (cf. 2Reg, 12).

48. L’amour fraternel, qui nous pousse à aller évangéliser selon le mandat du Seigneur – répétons-le avec les paroles du pape – ne peut être que gratuit, il ne peut jamais être une rétribution pour ce qu’un autre réalise ni une avance pour ce que nous espérons qu’il fera. Faisons plutôt confiance à la providence divine, car « Dieu qui nous appelle à un engagement généreux, et à tout donner, nous offre les forces ainsi que la lumière dont nous avons besoin pour aller de l’avant. Au cœur de ce monde, le Seigneur de la vie qui nous aime tant, continue d’être présent. Il ne nous abandonne pas, il ne nous laisse pas seuls, parce qu’il s’est définitivement uni à notre terre, et son amour nous porte toujours à trouver de nouveaux chemins »[14].

IV. L’Ordre dans les Amériques

49. Beaucoup des considérations faites jusqu’ici valent aussi pour les Amériques. Si jusqu’à il y a une dizaine d’années, on pouvait penser que cette région aurait été celle dans laquelle l’Ordre se serait le plus, avec sa propre physionomie et avec certains accents qui semblaient mieux exprimer notre charisme dans les cultures qui y sont présentes, nous constatons aujourd’hui que la dynamique de croissance s’est arrêtée. Au contraire, il y a déjà, en particulier dans la région hispanophone et dans certaines provinces d’Amérique du Nord, plusieurs circonscriptions qui souffrent beaucoup de la forte diminution du nombre de frères. Je pense que c’est le bon moment pour nous réunir afin de réfléchir sur ce qui en train de se passer.

50. Considérant la grande force que l’Ordre possède encore indubitablement dans les Amériques, il ne s’agit pas de laisser place à de la défiance, même si certaines régions sont en difficulté. Par contre, ça vaut la peine d’unir les forces pour identifier ensemble les chemins qui nous permettront de nous entraider mutuellement et de revitaliser, au mieux de nos capacités, la flamme de notre charisme dans le grand continent. Tout d’abord, il faudra prendre, même ici, et avec décision, la voie de la collaboration entre les circonscriptions, déjà très bien commencée dans certaines régions, et avec de bons fruits. Nous croyons que ce sera une réponse efficace, qualifiant véritablement de manière concrète notre fraternité, même pour ces régions qui en ce moment souffrent.

51. Vu les résultats positifs et l’orientation du chapitre, le conseil général entend vérifier ultérieurement la possibilité de créer, en Amérique aussi, quelques fraternités interculturelles, comme le « Projet de fraternités pour l’Europe ». De fait, nous croyons qu’il peut s’agir d’un outil valable pour redonner aussi de la vigueur à d’autres circonscriptions en dehors des limites territoriales de l’ancien continent. Alors, pour dépasser la désignation géographique et prendre comme référence cette année jubilaire dédiée à saint Laurent de Brindes – un homme qui a su conjuguer merveilleusement prière prolongée, préparation culturelle et engagement infatigable pour implanter efficacement et faire progresser à profusion l’Ordre – on a pensé d’appeler désormais le projet, non plus « Fraternités pour l’Europe », mais « Fraternités saint Laurent de Brindes ».

52. Puisque nos frères d’Amérique sont les plus directement intéressés par tout ce parcours, et qu’ils sont aussi les plus qualifiés pour réfléchir et identifier les chemins permettant de le réaliser, le conseil général a l’intention de lancer l’initiative d’une rencontre panaméricaine de tous les supérieurs majeurs du continent, à célébrer en octobre 2020. Nous espérons que grâce à cela pourront mûrir les critères d’une plus grande entraide, et peut-être aussi des suggestions pour d’éventuels changements des structures des circonscriptions (provinces en custodies, unions de provinces, nouvelles custodies, nouvelle définition des territoires des circonscriptions, etc.).

V. D’autres propositions d’animation

53. Ce que nous proposons de réaliser en octobre de l’année prochaine avec la rencontre pour l’Ordre en Amérique, nous pensons qu’il sera également utile et nécessaire de le proposer aussi pour l’ensemble de l’Europe en 2021. Nous avons le temps pour bien le préparer, mais je compte qu’entre-temps se développe entre tous une saine et sincère confrontation, à la lumière des signes des temps par lesquels le Seigneur désire nous indiquer le chemin, signes que nous sommes appelés à lire et à interpréter ensemble.

54. Vu le chemin de maturation que nous sommes appelés à développer dans les prochaines années, et considérant que cela peut être une réponse justement conforme aux appels insatisfaits du Saint-Père – destinés à faire que l’Église se dispose à se mettre en « sortie » au service du peuple de Dieu[15] – nous pensons que cela peut vraiment aider l’Ordre entier à se mettre à réfléchir sur la dimension missionnaire de notre vie. Voilà pourquoi nous comptons pouvoir célébrer, vers le milieu du sexennat, un nouveau CPO centré sur le thème de la mission. À travers l’approfondissement de ce sujet, qui nous le croyons nous aidera à orienter avec plus de sécurité les pas que l’Ordre, est en train de faire, nous serons vraiment incités à reprendre fortement en considération notre vie de foi et de prière, notre vocation au don de soi et le charisme de la fraternité.

55. Convaincus qu’à travers les indications du chapitre général s’exprime aussi ce que le Seigneur veut de nous, et soutenus par la conscience atteinte à partir de toute l’Église et par les enseignements qu’elle en a tiré pour tous les chrétiens, nous voulons insister sur le ferme engagement de mettre en œuvre tous les efforts dont nous sommes capables, pour qu’il ne puisse plus arriver que l’un d’entre nous, ou de ceux qui travaillent ou vivent dans nos milieux, commette des abus sur des mineurs[16]. Il est évident que l’Ordre tout entier a fait de gros efforts, pour se doter en ces années, de directives ou de protocoles adéquats. Ceux qui ne l’auraient pas encore fait, devront y pourvoir avec sollicitude.

56. Mais, il relève aussi de la conscience et de la responsabilité de tous qu’il ne suffit pas de s’être doté d’un protocole. Il est nécessaire de s’engager dans la formation de tous les frères et de tous les collaborateurs, en particulier de ceux qui sont en contact avec des mineurs, pour que les protocoles dont nous nous sommes dotés soient effectivement mis en œuvre. Il est surtout nécessaire de vérifier constamment que les actions entreprises et mises en œuvre, pour protéger les mineurs par tous les moyens et pour éviter que puissent se produire à l’avenir d’autres comportements dévastateurs, soient véritablement adaptées et constamment mises à jour. Nous ne pouvons pas attendre qu’advienne le mal, que nous ne voulons pas, employons-nous à le prévenir (cf. Motion 3.1).

57. C’est pourquoi les conseillers généraux s’efforceront d’être particulièrement attentifs à soutenir cet engagement, qui est celui de tous et de chacun d’entre nous, aà vérifier à l’occasion des différentes visites aux circonscriptions, ce qui se trouve vraiment mis en œuvre à cet égard. Essayons de travailler avec conviction et énergie, ce sera l’objet d’ultérieures bénédictions de la part de Dieu.

Conclusion

58. Durant ces premiers mois dans le service que le chapitre général m’a confié, j’ai pu prendre une plus grande conscience d’au moins un fait : notre Ordre est grand, il est vraiment grand ! Il est grand, non seulement parce que le nombre de frères est très élevé, parmi les plus élevés des Ordres religieux masculins, et qu’il est à l’œuvre dans presque toutes les parties du monde, mais parce que j’y découvre une énergie et une originalité de réponse au Seigneur, vraiment singulier ! L’Ordre est grand non seulement à cause de son glorieux passé historique, mais aussi parce qu’il est appelé – et en a toutes les capacités – à construire une grande histoire dans le présent et le futur ! Remercions-en le Seigneur de tout notre cœur et mettons en lui toute confiance sûre et renouvelée.

59. Cette année, nous faisons mémoire, à juste titre, de notre grand saint Laurent de Brindes, qui a su diriger l’Ordre avec une grande efficacité et en promouvoir la croissance dans la sainteté. En lisant les différents bulletins envoyés par les circonscriptions, il est agréable de constater qu’il ya beaucoup de petites et de grandes initiatives pour en célébrer adéquatement l’anniversaire. Mais ne nous contentons pas de nous souvenir de lui. Que son œuvre et son activité incessantes au service de l’Ordre et de l’Église, l’incessante reprise de ses déplacements sur tous les chemins d’Europe – sans de soucier des difficultés et des épreuves – afin d’être présent là où les besoins l’exigeaient et pour accomplir généreusement les missions que lui confiait le pape, que tout cela nous pousse à parcourir aujourd’hui, avec un zèle renouvelé, les chemins que le Seigneur ouvre pour nous.

60. En nous rencontrant, à la fin du chapitre général, le Saint-Père nous a indiqué trois caractéristiques/modalités qui doivent distinguer tous nos déplacements, et que je veux résumer ainsi : Continuez d’être frères du peuple, cordialement proches de toutes les personnes, même des plus humbles. Soyez des frères au grand cœur envers tous, capables de d’accueillir avec miséricorde et d’administrer avec générosité la miséricorde de Dieu. Soyez des frères qui prient, qui prient tellement, mais d’une manière simple qui puisse soutenir la manière simple de prier des gens. Ce sont des choses dans lesquelles nous nous reconnaissons et que nous pouvons tous faire, partout dans le monde et en tout temps, quelle que soit notre condition et les engagements qui nous attendent[17].

61. Le Seigneur a confiance en nous. L’Église a confiance en nous. Acheminons-nous sans crainte, en mettant notre confiance en la protection maternelle de la Vierge Marie, patronne de l’Ordre, et en l’intercession de saint François, de sainte Claire, de saint Laurent et de tous nos saints. Que l’engagement sincère rassure et réjouisse le cœur de tous et que, de la bouche de chacun d’entre nous, puisse surgir le même besoin réconfortant de remercier le Seigneur.

Rome, le 14 avril 2019
Dimanche des Rameaux

Frère Roberto Genuin
Ministre général OFMCap.

Vicaire général
Fr. José Ángel Torres Rivera

Conseillers généraux
Fr. Norbert Auberlin Solondrazana
Fr. Francesco Neri
Fr. Carlos Silva
Fr. Kilian Ngitir
Fr. Piotr Stasiński
Fr. Pio Murat
Fr. John Baptist Palliparambil
Fr. Victorius Dwiardy
Fr. Celestino Arias



[1] LD 5.

[2] Cf. Pape François, Lettre apostolique à tous les consacrés à l’occasion de l’année de la vie consacrée, 21 novembre 2014.

[3] Cf. Pape François, Lettre encyclique sur la sauvegarde de la maison commune, 24 mai 2015.

[4] Cf. Pape François, Exhortation apostolique Evangelii Gaudium sur l’annonce de l’évangile dans le monde d’aujourd’hui, 24 novembre 2013.

[5] Cf. Pape François, Audience aux participants au chapitre général de l’Ordre des frères mineurs capucins, Salle Clémentine, vendredi 14 septembre 2018.

[6] Orientations pour la collaboration fraternelle entre criconscriptions, Analecta OFMCap 128 (2012) 715-719.

[7] Mauro Jöhri, Fraternité pour l’Europe : Réflexions et indications après la rencontre de Fatima, Analecta OFMCap 131 (2015) 53-55.

[8] La vie fraternelle en minorité est notre manière spécifique de contribuer à l’annonce de l’évangile et à la mission : « Cette vie fraternelle, ferment de communion ecclésiale, est signe prophétique de lunité définitive du peuple de Dieu et constitue un témoignage essentiel pour la mission apostolique de lÉglise» (const. 88, 4).

[9] Cf. Pape François, Laudato Si’, 228.

[10] Cf. Mauro Jöhri, Ravivons la flamme de notre charisme, Analecta OFMCap 124 (2008) 481-496.

[11] Cf. Mauro Jöhri, Au coeur de l’Ordre : la Mission, Analecta OFMCap 125 (2009) 272-279.

[12] Cf. A. SPADARO - M. BARTOLI - N. KUSTER, Sei ciò che dai. Conversazioni con Fra Mauro Jöhri. Ministro generale dei Frati Minori Cappuccini, Edizioni Padre Pio da Pietrelcina, Foggia 2018.

[13] « Selon la tradition capucine, que (les frères) s’insèrent spontanément parmi les gens de toute condition, et qu’ils ne lient pas leur action évangélisatrice à la sécurité des ressources économiques ou au prestige social mais qu’ils placent leur confiance en Dieu et dans l'efficacité de la vie évangélique » (const. 177, 5).

[14] Cf. Pape François, Laudato Si’, 245.

[15] Cf. Pape François, Evangelii Gaudium, nn. 20-24.

[16] Cf. Pape François, Lettre apostolique en forme de « motu proprio », Comme une mère aimante, 4 juin 2016 ; Lettre apostolique en forme de « motu proprio », sur la protection des mineurs et des personnes vulnérables, 26 mars 2019.

[17] Cf. Pape François, Audience aux participants au chapitre général de l’Ordre des frères mineurs capucins. Discours improvisé du Saint-Père, Salle Clémentine, vendredi 14 septembre 2018.